En rapport avec les documents sonores disponibles en archives au groupe Lutecium, les extraits que nous proposerons bientôt sur cette page sont une transcription écrite de la séance qui a été relue à l'aide de la bande son.
    Donc on a pu en 
  certain moment se demander la dernière fois où je veux en venir. A la vérité, 
  cette sorte de question me paraît assez prématurément être significative, 
  c'est-à-dire que ce sont loin d'être des personnes négligeables, ce sont des 
  personnes fort averties dont le propos m'a été rapporté quelquefois 
  tranquillement par eux-mêmes. 
    Il serait peut-être, 
  étant donné justement ce que j'ai avancé la dernière fois, plus impliqué de se 
  demander d'où je pars, ou même d'où je veux vous faire partir. Déjà ça, ça a 
  deux sens. Ca veut peut-être dire aller quelque part. Mais ça peut aussi 
  vouloir dire décaniller d'où vous êtes. Où je veux en venir est en tout cas 
  fort exemplaire de ce que j'avance concernant le désir de l'Autre. 
  
    J'ai parlé du 
  semblant, j'ai dit quelque chose qui ne court pas les rues tout d'abord, j'ai 
  insisté, j'ai appuyé sur ceci que le semblant, qui se donne pour ce qu'il est, 
  est la fonction primaire de la vérité. Il y a un certain "je parle" qui fait 
  ça, et le rappeler n'est pas superflu pour, à cette vérité qui fait tellement 
  de difficultés logiques, donner sa juste situation. 
    C'est d'autant plus 
  important à rappeler que s'il y a dans Freud, désigné comme ça un certain 
  temps, s'il y a dans Freud quelque chose qui soit révolutionnaire, je vous ai 
  déjà mis en garde contre l'usage abusif de ce mot, mais il est certain que 
  s'il y a eu un moment où Freud était révolutionnaire, c'est dans la mesure où 
  il mettait au premier plan une fonction qui est aussi celle..., c'est là le 
  seul élément qui leur est commun d'ailleurs, qui est aussi cet élément qu'a 
  apporté Marx, c'est à savoir de considérer un certain nombre de faits comme 
  des symptômes. 
    La dimension du symptôme, c'est que ça parle, ça 
  parle même à ceux qui ne savent pas entendre, ça ne dit pas tout, même à ceux 
  qui le savent. Cette promotion du symptôme, c'est là le tournant que nous 
  vivons dans un certain registre qui, disons, s'est poursuivi ronronnant 
  pendant des siècles autour du thème de la connaissance. Nous ne pouvons tout 
  de même pas dire que du point de vue de la connaissance, nous soyons 
  complètement dépourvus, et on sent bien ce qu'il y a de désuet dans la théorie 
  de la connaissance quand il s'agit d'expliquer l'ordre de procès que 
  constituent les formulations de la science. 
    La science physique 
  donne des modèles actuellement. Que nous soyons, parallèlement à cette 
  évolution de la science, dans une position qu'on peut qualifier d'être sur la 
  voie de quelque vérité, voilà ce qui montre une certaine hétérogénéité de 
  statut entre deux registres, à ceci près que dans mon enseignement - et 
  seulement là - on s'efforce d'en montrer la cohérence qui ne va pas de soi, ou 
  qui ne va de soi que pour ceux qui dans cette pratique de l'analyse en 
  rajoutent quant au semblant. C'est ce que j'essaierai d'articuler 
  aujourd'hui. 
  
    J'ai dit une 
  deuxième chose : le semblant n'est pas seulement repérable, essentiel pour 
  désigner la fonction primaire de la vérité, il est impossible sans cette 
  référence de qualifier ce qu'il en est du discours, ce qui définit le 
  discours, ce tout au moins par quoi l'année dernière j'ai essayé de donner un 
  poids à ce terme en en définissant quatre, et je n'ai pu la dernière fois que 
  le rappeler, en rappeler je crois hâtivement les titres, à quoi certains bien 
  sûr ont trouvé que là on perdait pied. 
    Que faire ? Je ne peux 
  pas refaire, même à titre rapide, l'énoncé de ce dont il s'agit, quoique bien 
  sûr j'aurai à y revenir et à montrer ce qui y est. J'ai indiqué qu'on s'y 
  reporte dans les réponses dites Radiophonie du dernier Scilicet 
  ce qu'il en est, en quoi consiste cette fonction du discours telle que je l'ai 
  énoncée l'année dernière. Il se supporte de quatre places privilégiées parmi 
  lesquelles une d'entre elles précisément restait innommée, et justement celle 
  qui de chacun de ces discours donne le titre par la fonction de son 
  occupant. 
    C'est quand le signifiant Maître est à une certaine 
  place que je parle du discours du Maître, quand un certain savoir l'occupe 
  aussi, que je parle de l'Université, quand le sujet dans sa division 
  fondatrice de l'inconscient y est en place, que je parle du discours de 
  l'hystérique, et enfin quand le plus-de-jouir l'occupe que je parle du 
  discours de l'analyste. Cette place en quelque sorte sensible, celle d'en haut 
  et à gauche pour ceux qui ont été là et qui s'en souviennent encore, cette 
  place qui est ici occupée dans le discours du Maître par le signifiant en tant 
  que Maître, cette place non désignée encore, je la désigne de son nom, du nom 
  qu'elle mérite : c'est très précisément la place du semblant. 
  
    C'est dire 
  après ce que j'ai énoncé la dernière fois à quel point le signifiant, si je 
  puis dire, y est à sa place. D'où le succès du discours du Maître. Ce succès 
  tout de même, il mérite bien que l'on y fasse attention un instant, car enfin 
  qui peut croire qu'aucun Maître n'ait jamais régné par la force ? Surtout au 
  départ, parce qu'enfin, comme nous le rappelle Hegel dans son admirable 
  escamotage, un homme en vaut un autre. Si le discours du Maître fait la ligne, 
  la structure, le point fort autour de quoi s'ordonnent plusieurs 
  civilisations, c'est que le ressort y est tout de même bien d'un autre ordre 
  que la violence. Ce n'est pas dire que nous soyons sûrs d'aucune façon que 
  dans ces sphères dont il faut dire que nous ne pouvons les articuler qu'avec 
  la plus extrême précaution, que dès que nous les épinglons d'un terme 
  quelconque : primitif, prélogique, archaïque ou quoi que ce soit de quelque 
  ordre que ce soit - archaïque, archein, ça serait le commencement - 
  pourquoi ? Et pourquoi ce ne serait pas aussi un déchet, cette société 
  primitive ? Mais ça ne vaut rien qui tranche. Ce qui est certain, c'est 
  qu'elle nous montre qu'il n'est pas obligé que les choses s'établissent en 
  fonction du discours du Maître, premièrement. 
  
La configuration mytho-rituelle qui est la meilleure façon de les épingler n'implique pas forcément l'articulation du discours du Maître. Néanmoins, il faut le dire, c'est une certaine forme d'alibi que de nous intéresser tellement à ce qui n'est pas le discours du Maître. Dans la plupart des cas, c'est une façon de noyer le poisson : pendant que l'on s'occupe de ça, on ne s'occupe pas d'autre chose. Et pourtant le discours du Maître est une articulation essentielle et la façon dont je l'ai dite devrait être quelque chose à quoi certains, je ne dis pas vous tous, certains devraient s'employer à rompre leur esprit, parce que ce dont il s'agit et cela aussi je l'ai bien accentué la dernière fois, tout ce qui peut arriver de nouveau et qu'on appelle [...?] 1. en insistant sur le tempérament qu'il convient d'y mettre de ce qu'on appelle révolutionnaire, ne peut consister qu'en un changement, qu'en un déplacement du discours, à savoir à chacune de ses places, je voudrais en quelque sorte pour faire image - mais à quelque sorte de crétinisation toute image peut elle conduire ? - représenter par, si l'on peut dire, quatre godets qui auraient chacun leur nom, la façon dont dans ces godets glisse un certain nombre de termes, nommément ceux que j'ai distingués de SI, S2 en tant qu'au point où nous en sommes, S2 constitue un certain corps de savoir, le petit "a" en tant qu'il est directement conséquence du discours du Maître, le $ qui dans le discours du Maître occupe cette place qui est une place dont nous allons parler aujourd'hui, que j'ai déjà nommée, elle, qui est la place de la vérité.
    La vérité n'est 
  pas le contraire du semblant. La vérité, si je puis dire, est cette dimension 
  ou cette demansion, D.E.M.A.N..., si vous me permettez de faire un nouveau mot 
  pour désigner ces godets, cette demansion, qui est strictement corrélative de 
  celle du semblant. Cette demansion, je vous l'ai dit qui, cette dernière, 
  celle du semblant, la supporte. 
    Alors, quelque chose  s'indique tout de même d'où peut en 
  venir ce semblant ... 
    Il est clair que la question est peut-être un peu à 
  côté, qui est celle, alors là, qui m'est revenue par des voies tout à fait 
  indirectes que je tais, que je salue si elles sont encore là aujourd'hui, 
  qu'elles ne soient pas offensées qu'on les ait entendues au passage ! ... se 
  demandaient en hochant gravement de leur bonnet, paraît-il, "est-ce que c'est 
  un idéaliste pernicieux"? Est-ce que je suis un idéaliste pernicieux 
  ? 
    Ca me paraît être tout à fait à côté de la 
  question, parce que j'ai commencé - et avec quel accent, je dirai qu'enfin je 
  disais le contraire de ce que j'avais à dire exactement - par mettre l'accent 
  sur ceci que le discours, c'est l'artefact. 
    Ce que j'amorce avec ça, 
  c'est exactement le contraire, parce que le semblant, c'est le contraire de 
  l'artefact. Comme je l'ai fait remarquer, dans la nature le semblant, ça 
  foisonne. La question, dès qu'il ne s'agit plus de la connaissance, dès qu'on 
  ne croit pas que c'est par la voie de la perception dont nous extrairions je 
  ne sais quelle quintessence, que nous connaissons quelque chose, mais au moyen 
  d'un appareil qui est le discours. Il n'est plus question de 
  l'idée. 
    La première fois d'ailleurs que l'idée a fait son 
  apparition, elle était un peu mieux située qu'après les exploits de l'évêque 
  Berkeley. C'est de Platon qu'il s'agissait, il s'y demandait où était le réel 
  de ce qui était nommé : un cheval, son idée de l'idée, c'était l'importance de 
  cette dénomination. Dans cette chose multiple et transitoire, d'ailleurs 
  parfaitement obscure à son époque 
  plus qu'à la nôtre, est-ce que toute la réalité d'un cheval n'est pas dans 
  cette idée en tant que ça veut dire le signifiant "un cheval". Il ne faut pas 
  croire que parce qu'Aristote met l'accent de la réalité sur l'individu, qu'il 
  est beaucoup plus avancé. L'individu, ça veut dire très exactement dire ce que 
  l'on ne peut pas dire, et jusqu'à un certain point, si Aristote n'était pas le 
  merveilleux logicien qu'il est, qui a fait là le pas unique, le pas décisif 
  grâce à quoi nous avons un repère concernant ce que c'est qu'une suite 
  articulée de signifiants, on pourrait dire que dans sa façon de pointer ce qui 
  est l'ousia, autrement dit le réel, il se comporte comme un mystique, 
  car le propre de l'ousia, c'est lui-même qui le dit, c'est qu'elle ne 
  peut d'aucune façon être attribuée, elle n'est pas dicible. Ce qui n'est pas 
  dicible, c'est précisément ce qui est mystique. Seulement il me semble qu'il 
  n'abonde pas de ce côté-là, mais il laisse la place aux 
  mystiques. 
  
    C'est évident 
  que la solution de la question de l'idée ne pouvait pas venir à Platon. C'est 
  du côté de la fonction et de la variable que tout ça trouve sa solution. Mais 
  il est clair que s'il y a quelque chose que je suis, c'est je ne suis pas 
  nominaliste, je veux dire que je ne pars pas de ceci que le nom, c'est quelque 
  chose qui se plaque comme ça sur du réel. 
    Et il faut choisir : si 
  on est nominaliste, il faut complètement renoncer au matérialisme dialectique. 
  De sorte qu'en somme la tradition nominaliste qui est à proprement parler le 
  seul danger d'idéalisme qui peut se produire ici dans un discours tel que le 
  mien est très évidemment écartée. Il ne s'agit pas d'être idéaliste ou 
  réaliste comme on l'était au Moyen-Age, un réalisme des universaux, mais il 
  s'agit de désigner, de pointer ceci que notre discours, notre discours 
  scientifique, ne trouve le réel qu'à ce qu'il dépende de la fonction du 
  semblant. 
    Les effets de l'articulation - j'entends algébrique 
  - du semblant, et comme tel, il ne s'agit que de lettre, voilà le seul 
  appareil au moyen de quoi nous désignons ce qui est réel. Ce qui est réel, 
  c'est ce qui fait trou dans ce semblant, dans ce semblant articulé qu'est le 
  discours scientifique. Le discours scientifique progresse sans plus même se 
  préoccuper s'il est ou non semblant. Il s'agit seulement que son réseau, que 
  son filet, que son lattis, comme on dit, fasse apparaître, les bons trous à la 
  bonne place. Il n'a de référence que l'impossible auquel 
  aboutissent ses déductions : cet impossible, c'est le réel. L'appareil 
  du discours, en tant que c'est lui dans sa rigueur qui rencontre les limites 
  de sa consistance, voilà avec quoi nous visons dans la vie quelque chose qui 
  est le réel. Ce qui nous importe dans ce qui nous concerne à savoir le champ 
  de la vérité - et pourquoi est-ce le champ de la vérité seulement ainsi 
  qualifiable qui nous concerne, je vais essayer de l'articuler aujourd'hui - 
  pour ce qui nous concerne, nous avons affaire à quelque chose qui se rend 
  compte qu'il diffère de cette position dans la physique du réel. Ce quelque 
  chose qui résiste, qui n'est pas pliable à tout sens, qui est conséquence de 
  notre discours, cela s'appelle le fantasme. 
  
    Mais ce qui est 
  à éprouver, ce sont ses limites, c'est sa structure, sa fonction. Le rapport 
  dans un discours d'un des termes, du petit a, le plus-de-jouir, à l'$ 
  du sujet, soit précisément le point qui dans le discours du Maître est rompu, 
  voilà ce que nous avons à éprouver dans sa fonction quand dans la position 
  toute opposée, celle où le petit a occupe cette place, c'est le sujet 
  qui est en face. La place où il est interrogé, c'est là que le fantasme doit 
  prendre son statut, son statut qui est défini par la part même d'impossibilité 
  qu'il y a dans l'interrogation analytique. 
    Pour éclairer ce qu'il 
  en est d'où je veux en venir, j'irai à ce que je veux aujourd'hui marquer de 
  ce qu'il en est de la théorie analytique. A ce titre, je ne reviens pas, je 
  saute par-dessus la fonction qui s'exprime d'une certaine façon de parler que 
  j'ai ici m'adressant à vous. 
    Je ne puis faire 
  néanmoins que d'attirer votre attention sur ceci que si la dernière fois, je 
  vous ai interpellés du terme qui a pu paraître impertinent - à combien juste 
  titre - à beaucoup, de "plus-de-jouir pressé", - devrais-je parler alors de 
  quelque espèce de caviar, de signal pressé - ça a pourtant un sens, un sens 
  qui est celui de ce que je préserve mon discours qui en aucun cas n'a le 
  caractère de ce que Freud a désigné comme le discours du leader. C'est bien au 
  niveau du discours qu'au début des années 20, Freud a articulé dans "Massen 
  Psychologie und Ich Analyse" quelque chose qui singulièrement s'est trouvé 
  être au principe du phénomène nazi. Reportez-vous au schéma qu'il nous donne 
  dans cet article à la fin du chapitre "l'identification". Vous y verrez 
  presque là en clair indiquées les relations du grand I et du petit 
  a. Vraiment le schéma semble fait pour qu'y soient portés les 
  signes lacaniens. 
    Ce qui dans un discours s'adresse à l'Autre comme 
  un "tu" fait surgir l'identification à quelque chose qu'on peut appeler 
  l'idole humaine. Si j'ai parlé la dernière fois du sang rouge comme étant le 
  sang le plus vain à propulser contre le semblant, c'est bien parce que, vous 
  l'avez vu, on ne saurait s'avancer pour renverser l'idole sans tout aussitôt 
  après prendre sa place, comme on sait que c'est ce qui s'est passé pour un 
  certain type de martyrs. 
    C'est bien dans la mesure où quelque chose dans 
  tout discours qui fait appel au "tu" provoque à l'identification camouflée, 
  secrète, qui n'est que celle à cet objet énigmatique qui peut être rien du 
  tout, le tout petit plus-de-jouir d'Hitler qui n'allait peut-être pas plus 
  loin que sa moustache, voilà ce qui a suffi à cristalliser des gens qui 
  n'avaient rien de mystique, qui étaient tout ce qu'il y a de plus engagés dans 
  le procès du discours du capitalisme avec ce que cela comporte de mise en 
  question du plus-de-jouir sous sa forme de plus-value. Il s'agissait de savoir 
  si à un certain niveau, on en aurait encore son petit bout. Et c'est bien cela 
  qui a suffi à provoquer cet effet d'identification. 
    Il est amusant 
  simplement que cela ait pris la forme d'une idéalisation de la race, à savoir 
  de la chose qui dans l'occasion était la moins intéressée. Mais on peut 
  trouver d'où procède ce caractère de fiction. On peut le trouver. Ce qu'il 
  faut dire simplement, c'est qu'il n'y a aucun besoin de cette idéologie pour 
  qu'un racisme se constitue, qu'il suffit d'un plus-de-jouir qui se reconnaisse 
  comme tel et que quiconque s'intéresse un peu à ce qui peut advenir fera bien 
  de se dire que toutes les formes de racisme en tant qu'un plus-de-jouir suffit 
  très bien à le supporter, voilà ce qui maintenant est à l'ordre du 
  jour. 
    Voilà ce qui pour les années à venir nous pend au 
  nez, vous allez mieux saisir pourquoi quand je vous dirai ce que la théorie, 
  l'exercice authentique de la théorie analytique nous permet de formuler quant 
  à ce qu'il est du plus-de-jouir. 
  
    On s'imagine 
  qu'on dit quelque chose quand on dit que ce que Freud a apporté c'est la 
  sous-jacence de la sexualité à tout ce qu'il en est du discours. 
  
    On dit cela 
  quand on a été un tout petit peu touché par ce que j'énonce de l'importance du 
  discours pour définir l'inconscient, et puis qu'on ne prend pas garde que je 
  n'ai pas encore, moi, abordé ce qu'il en est de ce terme : sexualité, rapport 
  sexuel. 
    Il est étrange certes, et il n'est pas étrange que 
  d'un seul point de vue, le point de vue de la charlatanerie qui préside à 
  toute action thérapeutique dans notre société, il est étrange qu'on ne se soit 
  pas aperçu du monde qu'il y a entre le terme sexualité partout où il commence, 
  où il commence seulement à prendre une substance biologique, et je vous ferai 
  remarquer que, s'il y a quelque part où on peut commencer de s'apercevoir du 
  sens que ça a, c'est plutôt du côté des bactéries, du monde qu'il y a entre ca 
  et ce dont il s'agit concernant ce que Freud énonce : les relations que 
  l'inconscient révèle. 
    Quels que soient les trébuchements auxquels 
  lui-même a pu succomber dans cet ordre, ce que Freud révèle dans le 
  fonctionnement de l'Inconscient n'a rien de biologique. Cela n'a le droit de 
  s'appeler sexualité que parce qu'on appelle rapport sexuel complètement 
  légitime d'ailleurs, jusqu'au moment où on se sert de sexualité pour désigner 
  autre chose, à savoir ce que l'on étudie en biologie, à savoir le chromosome 
  et sa combinaison,  XY, XX, XXY, cela n'a absolument rien à faire avec ce 
  dont il s'agit qui a un nom parfaitement énonçable et qui s'appelle les 
  rapports de l'homme et de la femme. 
    Il convient de partir de 
  ces deux termes avec leurs sens pleins, avec ce que cela comporte de relations 
  parce qu'il est très étrange quand on voit les petits essais timides, comme 
  ça, que les gens font pour penser à l'intérieur des cadres d'un certain 
  appareil qui est celui de l'institution psychanalytique, on s'aperçoit que 
  tout n'est pas réglé par les ébats de ce qu'on nous donne comme conflictuel et 
  ils voudraient bien autre chose : du non-conflictuel, ça repose. Et alors, là 
  ils s'aperçoivent par exemple de ceci, c'est qu'on n'attend pas du tout la 
  phase phallique pour distinguer une petite fille d'un petit garçon. Ce n'est 
  pas du tout pareil. Ils s'émerveillent de ça. Et alors, je vous le signale, 
  parce que d'ici que je me retrouve en enseignant au mois de février, le 
  deuxième mercredi de février, vous aurez peut-être eu le temps de lire quelque 
  chose, [...]2. enfin, ça fera monter le tirage, qui s'appelle Sex and Gender 
  ; c'est en anglais. C'est d'un nommé Stoller.3 
  
C'est très intéressant à lire, à 
  deux points de vue, d'abord parce que ça donne sur un sujet important celui 
  des transsexualistes un certain nombre de cas très bien observés avec leurs 
  corrélats familiaux. Vous savez peut-être que le transsexualisme, ça consiste 
  très précisément en un désir très énergique de passer par tous les moyens à 
  l'autre sexe, fût-ce à se faire opérer quand on est du côté 
  mâle. 
    Voilà. Ce transsexualisme avec les coordonnées, les 
  observations qui sont là, vous y apprendrez certainement beaucoup de choses, 
  car ce sont des observations tout à fait utilisables. Vous y apprendrez 
  également ceci, le caractère complètement inopérant de l'appareil dialectique 
  avec lequel l'auteur de ce livre traite ces questions, et qui font que 
  surgissent tout à fait directement les plus grandes difficultés qu'il 
  rencontre pour expliquer ces cas. 
    Une des choses les plus 
  surprenantes, c'est que la face psychotique de ces cas est complètement éludée 
  par lui, faute bien entendu de tout repère, la fonction lacanienne ne lui 
  étant jamais parvenue aux oreilles, ce qui explique tout de suite et très 
  aisément la forme de ces cas, mais qu'importe. 
    L'important est ceci : 
  c'est que pour parler d'identité de genre, ce qui n'est rien d'autre que ce 
  que je viens d'exprimer dans ces termes, l'homme et la femme, il est clair que 
  la question n'est posée de ce qui en surgit précocement qu'à partir de ceci 
  qu'à l'âge adulte, il est du destin des êtres parlants de se répartir entre 
  homme et femme et que pour comprendre l'accent qui est mis sur ces choses, sur 
  cette instance, il faut se rendre compte que ce qui définit l'homme, c'est son 
  rapport à la femme et inversement ; que rien ne nous permet dans ces 
  définitions de l'homme et de la femme de les abstraire de l'expérience 
  parlante complète jusques et y compris dans les institutions où elle 
  s'exprime, à savoir le mariage. 
    Si on ne comprend pas 
  qu'il s'agit à l'âge adulte de faire homme, que 
  c'est cela qui constitue la relation à l'autre partie, que c'est à la lumière, 
  au départ, en partant de ceci qui constitue une relation fondamentale qu'est 
  interrogé tout ce qui dans le comportement de l'enfant peut être interprété 
  comme s'orientant vers ce "faire homme" par exemple, et que de ce "faire 
  homme" l'un des corrélats essentiels, c'est de faire signe à la fille qu'on 
  l'aime. Que nous nous trouvons pour tout dire placés d'emblée dans la 
  dimension du semblant et aussi bien tout en témoigne, y compris les 
  références, qui sont communes, qui traînent partout, à la parade sexuelle chez 
  les mammifères, supérieurs principalement, mais aussi chez, dans un très très 
  grand nombre de vues que nous pouvons avoir très, très loin, dans le phylum 
  animal, qui montrent le caractère essentiel dans le rapport sexuel de quelque 
  chose qu'il convient parfaitement de limiter au niveau où nous le touchons, 
  qui n'a rien à faire ni avec un niveau cellulaire qu'il soit chromosomique ou 
  pas, ni avec un niveau organique, et qu'il s'agisse ou non de l'ambiguïté de 
  tel ou tel tractus concernant la gonade, c'est à savoir un niveau éthologique 
  qui est celui-ci, celui proprement d'un semblant. 
    C'est en tant que le 
  mâle, le mâle le plus souvent, la femelle n'en est pas absente puisqu'elle est 
  précisément le sujet qui est atteint par cette parade, c'est en tant qu'il y a 
  parade que quelque chose qui s'appelle copulation sexuelle sans doute dans sa 
  fonction, mais qui est statuée d'éléments d'identité particuliers, il est 
  certain que le comportement sexuel humain trouve référence aisément dans cette 
  parade telle qu'elle est définie au niveau animal. Il est certain que le 
  comportement sexuel humain consiste dans un certain maintien de ce semblant 
  animal. 
    La seule chose qui l'en différencie, c'est que ce 
  semblant soit véhiculé dans un discours et que c'est à ce niveau de discours, 
  à ce niveau de discours seulement qu'il est porté vers, permettez-moi, quelque 
  effet qui ne serait pas du semblant. Cela veut dire qu'au lieu d'avoir 
  l'exquise courtoisie animale, il arrive aux hommes de violer une femme ou 
  inversement. 
    Aux limites du discours en tant qu'il s'efforce de 
  faire tenir le même semblant, il y a de temps en temps du réel, c'est ce qu'on 
  appelle le passage à l'acte.  Et je ne vois pas de meilleur endroit pour 
  désigner ce que cela veut dire. Observez que dans la plupart des cas le 
  passage à l'acte est soigneusement évité. Cela n'arrive que par accident. Et 
  c'est bien là aussi une occasion d'éclairer ce qu'il en est de ce que je 
  différencie depuis longtemps du passage à l'acte, à savoir 
  l'acting-out. 
    Faire passer le semblant sur la scène, le monter à 
  la hauteur de la scène, en faire exemple, voilà ce qui dans cet ordre 
  s'appelle l'acting-out. On appelle cela encore la passion. Mais enfin, je suis 
  forcé d'aller vite, vous remarquerez que c'est à ce propos et là, tel que je 
  viens de dire les choses, qu'on peut bien pointer, bien désigner ceci que j'ai 
  dit depuis longtemps : c'est que si le discours est là en tant qu'il permet 
  l'enjeu de ce qu'il en est du plus-de-jouir, à savoir - j'y mets tout le 
  paquet - c'est très précisément ce qui est interdit au discours sexuel. Il n'y 
  a pas d'acte sexuel, je l'ai déjà exprimé plusieurs fois, je l'aborde ici sous 
  un autre angle. 
  
Et ceci est rendu tout à fait sensible par l'économie, mais massive, de la théorie analytique, à savoir tout ce que Freud a raconté4, et lui d'abord, et si innocemment, si je puis dire, que c'est en cela qu'il est symptôme, c'est-à-dire qu'il fait avancer les choses au point où elles nous concernent sur le plan de la vérité.
    Le mythe de 
  l'Oedipe, qui ne voit qu'il est nécessaire de désigner le réel, car 
  c'est bien ce qu'il a la prétention de faire ou plus exactement ce à quoi le 
  théoricien est réduit quand il formule cet hypermythe, c'est que le réel à 
  proprement parler s'incarne de quoi ? De la jouissance sexuelle, comme quoi ? 
  comme impossible, puisque ce que l'Oedipe désigne, c'est l'être mythique dont 
  la jouissance, dont sa jouissance serait celle de quoi ? de toutes les 
  femmes. 
    Qu'un appareil semblable soit ici en quelque sorte 
  imposé par le discours même, est-ce que ce n'est pas là le recoupement le plus 
  sûr de ce que j'énonce de théorie concernant la prévalence du discours, 
  concernant tout ce qu'il en est précisément de la jouissance. Ce que la 
  théorie analytique articule, c'est quelque chose dont le caractère saisissable 
  comme objet est ce que je désigne de l'objet petit a, en tant que par 
  un certain nombre de contingences organiques favorables, il vient remplir, 
  sein, excrément, regard ou voix, la place définie comme celle du 
  plus-de-jouir. 
    Qu'est-ce que la théorie énonce sinon ceci : 
  quelque chose qui tend ce rapport du plus-de-jouir, ce rapport au nom de quoi 
  la fonction de la mère vient à un point tellement prévalent, de notre 
  observation analytique. 
Le plus-de-jouir ne se normalise que d'un rapport qu'on établit à la 
  jouissance sexuelle, à ceci près que cette jouissance sexuelle ne se formule, 
  ne s'articule que du phallus en tant qu'il est son signifiant. Le phallus, 
  quelqu'un a écrit un jour ceci - je ne sais pourquoi - que ce serait le 
  signifiant qui désignerait le manque de signifiant. C'est absurde. Je n'ai 
  jamais articulé une chose pareille. 
    Le phallus est très 
  proprement la jouissance sexuelle en tant qu'elle est coordonnée, qu'elle est 
  solidaire d'un semblant. C'est bien ce qui se passe et c'est là ce dont il est 
  étrange de voir tous les analystes s'efforcer de détourner leurs regards, loin 
  d'avoir toujours plus insisté sur ce tournant, cette crise de la phase 
  phallique, tout leur est bon pour l'éluder, la crise ! La vérité à laquelle il 
  n'est pas un de ces jeunes êtres parlants qui n'ait à faire face, c'est qu'il 
  y en a qui n'en ont pas..., double intrusion au manque parce qu'il y en a qui 
  n'en ont pas, et puis cette vérité manquait jusqu'à présent. 
  
    
  L'identification sexuelle ne consiste pas à se croire homme ou femme, mais à 
  tenir compte de ce qu'il y ait des femmes pour le garçon et de ce qu'il y ait 
  des hommes pour la fille. Et ce qui est important, ce n'est même pas tellement 
  ce qu'ils éprouvent, c'est la situation réelle, permettez-moi ! C'est que pour 
  les hommes, la fille c'est le phallus, et que c'est ça qui les châtre, que 
  pour les femmes le garçon c'est la même chose, le phallus, que c'est ça qui 
  les châtre aussi parce qu'elles n'acquièrent qu'un pénis et que c'est raté. Le 
  garçon, ni la fille, d'abord ne courent de risque que par les drames qu'ils 
  déclenchent. Ils sont le phallus pendant un moment. Voilà le réel. Le réel de 
  la jouissance sexuelle en tant qu'elle est détachée comme telle, c'est le phallus, autrement dit le Nom-du-père, 
  l'identification de ces deux termes ayant en son temps scandalisé de pieuses 
  personnes. 
  
    Mais il y a 
  quelque chose qui vaut la peine qu'on y insiste un peu plus. Quelle est la 
  part donc fondatrice dans cette "opération semblant" telle que celle que nous 
  venons de définir au niveau du rapport homme et femme, quelle est la place du 
  semblant, du semblant archaïque ? C'est assurément ce pourquoi il vaut la 
  peine de retenir un peu plus le moment de ce que représente la femme. La 
  femme, c'est précisément, dans cette relation, dans ce rapport, pour l'homme 
  l'heure de la vérité. La femme est en position au regard de la jouissance 
  sexuelle de ponctuer l'équivalence de la jouissance et du semblant. C'est bien 
  en cela qu'elle jouit, de la distance où se trouve tel l'homme. 
  
    Si j'ai parlé 
  de l'heure de la vérité, c'est parce que c'est celle à quoi toute la formation 
  de l'homme est faite pour répondre en maintenant envers et contre tout le 
  statut de son semblant. 
    Il est certainement plus facile à l'homme 
  d'affronter aucun ennemi sur le plan de la rivalité que d'affronter la femme 
  en tant qu'elle est le support de cette vérité de ce qu'il y a de semblant 
  dans le rapport de l'homme à la femme. 
    A la vérité, que le 
  semblant soit ici la jouissance, pour l'homme, c'est suffisamment indiquer que 
  la jouissance est semblant. C'est parce qu'il est à l'intersection de ces deux 
  jouissances que l'homme subit au maximum le malaise de ce rapport qu'on 
  désigne comme sexuel, comme disait l'autre : ces plaisirs qu'on appelle 
  physiques. Par contre nulle autre que la femme - et c'est en cela qu'elle est 
  l'Autre - nulle autre que la femme ne sait mieux ce qui de la jouissance et du 
  semblant est disjonctif. 
    C'est parce qu'elle est la présence de ce quelque 
  chose qu'elle sait, à savoir que jouissance et semblant, 
  s'ils s'équivalent dans une dimension de discours, n'en sont pas moins 
  distincts dans l'épreuve, que la femme représente pour l'homme la 
  vérité, tout simplement, à savoir celle-là seule qui peut donner sa place en 
  tant que telle au semblant. 
    Il faut le dire,  tout ce qu'on nous a énoncé 
  comme étant le ressort de l'inconscient ne représente rien que l'horreur de 
  cette vérité. C'est pour cela, bien sûr qu'aujourd'hui j'essaie, je tente de 
  vous développer comme on le fait d'une fleur japonaise, ce qui n'est peut-être 
  pas spécialement agréable à tous à entendre, c'est ce que l'on empaquette 
  d'habitude sous le registre du complexe de castration. Moyennant quoi là avec 
  cette petite étiquette, tout le monde est calme, on peut le laisser de côté. 
  On n'a plus jamais rien à redire, sinon que c'est là : on lui fait une petite 
  révérence de temps en temps. 
  
    Mais que la 
  femme soit la vérité de l'homme, que cette vieille histoire proverbiale quand 
  il s'agit de comprendre quelque chose, le "cherchez la femme" à quoi on donne 
  naturellement une interprétation policière, soit quelque chose de tout autre, 
  à savoir que pour avoir la vérité d'un homme, il convient de savoir quelle est 
  sa femme, j'entends son épouse à l'occasion. Et pourquoi pas ? C'est le seul 
  endroit où ça ait un sens, ce que quelqu'un un jour dans mon entourage a 
  appelé le pèse-personne. Pour peser une personne, rien de tel que de peser sa 
  femme, quand il s'agit d'un homme. 
    Quand il s'agit d'une 
  femme, ce n'est pas la même chose. Parce que la femme a une très grande 
  liberté... (il baisse le ton, brouhaha, fort : qu'est-ce qu'il y a ?) j'ai dit 
  : la femme a une très grande liberté à l'endroit du semblant, elle arrivera à 
  donner du poids même à un homme qui n'en a aucun ! 
    C'est des vérités bien 
  sûr qui, au cours des siècles, étaient déjà parfaitement repérées depuis 
  longtemps, mais qui ne se sont jamais dites que de bouche à bouche, si je puis 
  dire. Et toute une littérature est faite, existe, il s'agirait de connaître 
  son ampleur. Naturellement cela n'a d'intérêt que si l'on prend la 
  meilleure. 
    Quelqu'un par exemple dont il faudrait un jour que 
  quelqu'un se charge, c'est Balthazar Gracian qui était un jésuite éminent, et 
  qui a écrit de ces choses parmi les plus intelligentes qu'on puisse écrire. 
  Leur intelligence est absolument prodigieuse en ceci que tout ce dont il 
  s'agit, à savoir établir ce qu'on peut appeler la sainteté de l'homme, en un 
  mot résume-t-il, résume-t-il quoi ? son livre sur l'homme de cour, en un mot, 
  deux points : être un saint. 
    C'est le seul point de 
  la civilisation occidentale où le mot saint aurait le même sens qu'en chinois 
  : tchen-tchen. Notez ce point, cette référence, parce que tout de même 
  il est tard aujourd'hui et ce n'est pas aujourd'hui que je l'introduirai. Je 
  vous ferais cette année quelques petites références aux origines de la pensée 
  chinoise. Quoi qu'il en soit, oui, je me suis aperçu d'une chose, c'est 
  peut-être que je ne suis lacanien que parce que j'ai fait du chinois 
  autrefois, je veux dire par là que je m'aperçois à relire des trucs comme cela 
  que j'avais parcourus, mais ânonné comme nigaud, je me suis aperçu à les 
  relire maintenant que c'est de plein pied avec ce que je 
  raconte. 
    Je ne sais pas, je vous donne un exemple : dans 
  Mencius, [ce sont...?] des livres fondamentaux, canoniques, de la pensée 
  chinoise, il y a un type qui est son disciple d'ailleurs, qui n'est pas lui - 
  mais qui commence d'énoncer des choses comme ceci : "Ce que vous ne trouvez 
  pas du côté du Yen (c'est-à-dire du discours) ne le cherchez pas du 
  côté de votre esprit"- cela, je vous traduis esprit, c'est Sin, mais ça 
  veut dire qu'il désignait par Sin qui veut dire le coeur, ce qu'il 
  désignait, c'était bel et bien l'esprit, le Geist de 
  Hegel. 
  
    Mais enfin cela 
  demanderait un tout petit peu plus de développement. "Et si vous ne trouvez 
  pas du côté de votre esprit, ne le cherchez pas du côté de votre Tchi", 
  c'est-à-dire de ce que les Jésuites traduisent comme ça, comme ils peuvent en 
  perdant un peu le souffle, de votre sensibilité. Je ne vous indique cet 
  étagement que pour vous dire la distinction qu'il y a entre ce qui s'articule, 
  ce qui est du discours, et ce qui est de l'esprit du moins pour 
  l'essentiel. 
    Si vous n'avez pas déjà trouvé au niveau de la 
  parole, c'est désespéré, n'essayez pas d'aller chercher ailleurs au niveau de 
  l'esprit. Meng Tzeu, Mencius se contredit, c'est un fait, mais il s'agit de 
  savoir par quelle voie et pourquoi. Ceci pour vous dire qu'une certaine façon 
  de mettre au premier plan ce qui s'appelle discours, c'est pas du tout quelque 
  chose qui nous fasse remonter à des archaïsmes, parce que le discours à cette 
  époque, à l'époque de Mencius, était déjà parfaitement articulé et 
  constitué. 
    Cela n'est pas au moyen des références à une pensée 
  primitive qu'on peut le comprendre. A la vérité, je ne sais pas ce que c'est 
  qu'une pensée primitive. Une chose beaucoup plus concrète et que nous avons à 
  notre portée, c'est ce que l'on appelle le sous-développement. 
  
    Mais ça, le 
  sous-développement, ça n'est pas archaïque, chacun sait que c'est produit par 
  l'extension du règne capitaliste, je dirai même plus : ce dont on s'aperçoit, 
  et dont on s'apercevra de plus en plus, c'est que le sous-développement, c'est 
  très précisément la condition du progrès capitaliste. Sous un certain angle, 
  la révolution d'octobre elle-même en est une preuve. 
    Et ce qu'il faut voir, 
  c'est que ce à quoi nous avons à faire face, c'est à un sous-développement qui 
  va être de plus en plus patent, de plus en plus étendu. 
  
    Ce qu'il 
  s'agit en somme, c'est que nous mettions à l'épreuve ceci : si la clef de 
  beaucoup d'autres problèmes qui vont se poser à nous n'est pas de nous mettre 
  au niveau de cet effet de l'articulation capitaliste que j'ai laissée dans 
  l'ombre l'année dernière à ne vous donner que sa racine dans le discours du 
  Maître ? Je pourrai peut-être en donner un peu plus cette année. 
  
    Il conviendrait 
  de voir ce que nous pouvons tirer de ce que j'appellerai une logique 
  sous-développée. C'est cela que j'essaie d'articuler devant vous, comme disent 
  les textes 
